En 2003, le Dr Herbert Benson, de l’université de Harvard, affirmait que 80 % des consultations médicales étaient liées au stress. Relations tendues, perte d’un être cher, exigences élevées au travail et à la maison, à chacun son stress et à chacun sa démarche pour mieux le gérer...
Des méthodes pour gérer le stress ? Pourquoi pas ! Là encore constatons que tout le monde n'est pas logé à la même enseigne.
Suicides à gogo
L'Afrique est certainement le continent qui compte le moins de suicides (je veux parler de l'Afrique traditionnelle des villages, pas celle des villes conçues voire bêtement calquées sur le modèle occidental !). C'est simple : si l'on analyse le lexique de toutes les langues vernaculaires (indigènes) africaines (et il y en a des centaines, voire des milliers de variantes), je doute que le mot "suicide" se retrouve dans à peine une vingtaine d'entre elles. À titre d'exemple, dans ma propre langue maternelle, le mot "suicide" n'existe pas. On dit "tuer son corps". Ce qui ne veut pas dire qu'il n'y ait pas de suicides, mais ils se comptent vraiment sur les doigts de la main, et encore ne s'agit-il, la plupart du temps, que de personnes fortement imprégnées par la civilisation occidentale.
Pour vérifier la chose, faites-moi une petite énumération des personnalités connues ayant fini par un suicide, et ce, continent par continent, et concluez. J'irai même plus loin : en France même, il serait facile de dresser une petite comptabilité des suicides selon le milieu socio-professionnel voire l'origine géographique. Et même à supposer que l'on réalise des statistiques ethniques, il devrait être facile de démontrer que la proportion des Africains se suicidant chaque année, en France, est largement inférieure à leur représentation dans la population, à l'instar de leur faible représentation parmi les clochards que l'on peut observer dans la rue (1).
Bien évidemment, ces derniers temps, certains mouvements de guérilla urbaine ont inventé une forme de guerre extrême consistant à se faire sauter au milieu d'une foule. Ce courant nihiliste nous vient des mouvements de guérilla arabes ou extrême-orientaux (Pakistan, Sri-Lanka...). On en trouve aussi des exemples récents en Afrique (Maroc), même si la nature purement africaine de ces comportements est discutable.
Je m'en tiens donc à mon idée : hormis la motivation politique, c'est probablement en Afrique que l'on se suicide le moins. À cela s'ajoute le fait qu'en Afrique, il n'y a pas de maisons de retraite ni d'asiles psychiatriques !
Quel rapport entre maisons de retraite et asiles psychiatriques, d'une part, et fréquence du suicide de l'autre ? C'est pourtant simple : les vieux ne sont pas rejetés par leur famille, ce qui fait que la solitude qui les frappe en Occident, par exemple, n'existe pas dans les sociétés villageoises. Par ailleurs, malgré l'absence d'asiles psychiatriques, on ne peut pas dire que les "fous" encombrent les rues. Force est donc d'en déduire que le déséquilibre mental est quelque chose que les Africains, dans leur ensemble, gèrent plutôt bien, puisque les "fous" sont absolument libres de leurs mouvements, sans que cela se traduise par une recrudescence de la criminalité ! J'insiste encore sur le fait que je ne vise, ici, que la vraie société traditionnelle africaine, pas les mauvaises copies citadines que la presse et la télévision nous donnent à voir souvent.
Précisément, dans la mesure où les traditions pèsent encore énormément sur les comportements, même à des milliers de kilomètres de distance (cf. les mariages forcés, l'excision et autres pratiques douteuses), il semble bien que certaines croyances, si elles préservent l'individu de certaines pulsions autodestructrices (2), développent d'autres réflexes, comme la relation permanente aux ancêtres, par exemple, avec une prédisposition certaine aux phénomènes dits paranormaux ou surnaturels, que les Africains partagent volontiers avec leurs cousins des grandes Antilles et d'Amérique du Sud (vaudou, candomblé, etc.). Du coup, si le suicide est un phénomène rare en Afrique, en revanche, l'omniprésence des esprits rend les gens - qui, de fait, ne sont jamais vraiment seuls - particulièrement enclins à des symptômes comme l'hystérie (3) ou la paranoïa. C'est ainsi que, souvent, la moindre maladie non expliquée par la médecine moderne sera automatiquement mise sur le compte d'un envoûtement ou d'un mauvais sort. Il n'est, du reste, que de voir la prolifération, dans les quartiers populaires ou les banlieues, comme dans les rubriques de petites annonces, des marabouts, guérisseurs, jeteurs de sorts et autres rebouteux - dont la persistance constitue un réel pied-de-nez adressé à la psychiatrie moderne -, avec, parmi eux, d'innombrables charlatans, qui n'attirent pas que des Africains, du reste. C'est dire si le marché de l'irrationnel a encore de beaux jours devant lui !
Le fait est que cette omniprésence de l'irrationnel, dans les esprits, fonctionne chez beaucoup d'Africains comme un antidote très efficace contre cette "ultramoderne solitude" qu'Alain Souchon a magnifiée dans une de ses chansons.
Des conséquences sur le traitement préventif du stress dans les sociétés "évoluées" ? Peut-être une meilleure approche de la solitude et une moindre pression de la société de consommation, qui crée des besoins et transforme d'honnêtes gens en frustrés perpétuels.
Mais je vois venir la question : comment je m'immunise contre le stress ? En commençant par refuser de faire comme tout le monde. Par exemple, je ne porte jamais de montre, tout en étant très ponctuel ; je laisse généralement mon téléphone portable (non professionnel) dans un sac à dos, voire un tiroir, en l'y oubliant parfois une journée entière (!!!). Et surtout, je ne me laisse déranger par aucun appel téléphonique tard le soir, ni le week-end, ne parlons même pas des salles de concert ou de spectacle, du cinéma ou des musées ! Cela permet de vivre au rythme que l'on a choisi, et non au rythme que d'autres vous imposent.
Pour reprendre les travaux du professeur susmentionné, qui identifie les causes les plus fréquentes du stress : relations tendues, perte d’un être cher, exigences élevées au travail et à la maison..., autant dire que le stress a des causes avant tout sociales ; ce n'est pas à proprement parler un mal lié à l'individu lui-même mais à un environnement au sein duquel il s'insère plus ou moins bien, plus ou moins mal. D'où l'imposture que constituent la psychothérapie et tout ce qui s'y rattache, dans la mesure où c'est une personne isolée qui va être "(mal)traitée" par quelqu'un (le psy) qui n'a aucune prise sur l'environnement de son patient ou de sa patiente. Et il faut croire qu'en la matière, les sorciers africains et les rebouteux antillais ou brésiliens sont bien plus futés, qui font intervenir tout le groupe, toute la famille, tout le clan... en orchestrant des séances de "défoulement" collectif.
Par ailleurs, tous les individus ne vont pas apporter la même réponse au même stimulus, exactement comme certains résistent mieux aux microbes que d'autres car disposant de plus d'anticorps. Et si les causes du stress sont souvent sociales, c'est-à-dire environnementales, certaines dispositions liées aux individus eux-mêmes peuvent concourir à atténuer ou à aggraver les déséquilibres.
Regardez, par exemple, ces gens, dans la rue, dans le métro, au restaurant, jusque dans les salles de spectacle, leur téléphone portable à la main, comme si leur vie en dépendait, les oreilles encombrées d'écouteurs, obnubilés qu'ils sont par leurs prothèses électroniques au point de se mettre en danger dans la rue, dès lors qu'ils n'entendent plus les bruits de la circulation.
La téléphonie mobile ne s'est vraiment popularisée qu'il y a moins de dix ans, mais elle a déjà produit ses "drogués", incapables de vivre sans elle et, du coup, complètement stressés à l'idée de s'en passer, ne serait-ce qu'une petite heure. La même observation vaut pour les jeux vidéo, qui ont rendu bien des adolescents complètement maboules ! Au Japon, on les appelle "otaku" ou "okikomori". Certains vont jusqu'à ne plus pouvoir sortir de leur domicile, vivant entièrement reclus, incapables qu'ils sont de s'éloigner ne serait-ce que quelques instants de leurs boîtiers à boutons et de leurs écrans d'ordinateurs.
Voilà comment on "fabrique" les esclaves modernes.
Mais il y a beaucoup plus grave. Les otaku japonais sont généralement des adolescents attardés. On peut espérer voir leur mal-être s'estomper avec l'âge et l'obligation d'entrer, un jour, dans le monde des adultes. Le problème c'est le mal-être qui survient à l'âge adulte, soit sur une plus longue période que l'adolescence. Et là, j'affirme qu'il doit être possible de dresser un portrait-robot de certains stressés chroniques sur la base d'un certain nombre de critères objectifs, compilés méthodiquement.
Tous ces suicides à la Poste, à France Télécom, ou parmi les policiers ont des causes objectives. L'explication selon laquelle "il y a trop de facteurs susceptibles de conduire à ce genre de drames" est une solution de facilité. Ce qui est déjà indéniable, c'est que la parole n'a pas assez circulé avant ces drames, parole qui aurait permis à l'entourage de mettre le doigt sur ce qui n'allait pas. Après le drame, il est toujours trop tard, mais cela ne dispense pas la société de chercher à comprendre, pour éviter que cela ne se reproduise, à l'instar de ce qui se passe dans l'aéronautique, avec l'examen d'une boîte noire...
Le fait est que, dans notre vie quotidienne, nous avons tendance à manquer de boîtes noires...
Pour ma part, les difficultés de la vie quotidienne ne m'ont jamais plongé dans un désarroi tel que toute initiative de ma part s'en trouve paralysée ; car, là encore, on doit pouvoir dresser des digues afin de se prémunir de graves crises.
Par exemple : on sait qu'une cause majeure de stress est l'état d'endettement, voire de surendettement : pour s'offrir le magnifque écran plat, l'ordinateur dernier cri, la console vidéo pour les enfants, et je ne sais quoi encore, on a emprunté, malgré de faibles revenus, et à la suite d'un revers de fortune, on ne peut plus rembourser. Et voilà le spectre de la saisie qui se profile à l'horizon. Peut-être aurait-on pu éviter de se mettre dans cette situation en se montrant un peu plus résistant(e) devant les sirènes de la société de consommation, qui vous suggéraient de vous munir de dix, vingt, trente cartes de crédit généreusement octroyées par la multitude d'organismes distributeurs de ce genre de sésame.
Dans ce domaine, comme dans d'autres, mieux vaut prévenir que guérir, en s'imposant une discipline de fer.
Discipline : voilà un mot qui semble avoir disparu de l'usage courant !
(1) Tiens, au fait, comment expliquer qu'alors que les banlieues à forte concentration d'immigrés présentent un taux de chômage trois à quatre fois supérieur à la moyenne nationale, ce qui s'explique aisément par le faible niveau d'instruction d'une grande part de ces populations, les Africains comptent si peu de clochards visibles dans la rue ? L'explication tient probablement dans une "mauvaise habitude" bien connue des bailleurs, dont certains vous disent que lorsque vous louez à UN (!) Africain, vous vous retrouvez très vite avec toute une smala... Et je dois avouer que je fais partie de ceux que cette pratique met parfois franchement mal à l'aise. Mais bon, reconnaissons qu'elle a aussi un aspect positif, dans la mesure où, même pauvre, et surtout pauvre, l'Africain élevé dans les traditions ne laissera jamais un "frère" galérer dans la rue. Du coup, le studio loué à une personne va en compter bientôt cinq, six, voire plus. C'est une forme basique de solidarité qui explique largement le faible nombre d'Africains parmi les clochards de nos grandes villes. Le sociologue suisse, Jean Ziegler, a coutume de dire qu'avec la production alimentaire actuelle, il y aurait de quoi nourrir plus de 1,5 fois la planète, alors même que la faim sévit toujours dans le monde. Vous avez dit "solidarité" ?
(2) Il s'avère difficile de s'"autodétruire" dans un système de pensée qui fait de l'individu le maillon d'une chaîne, ce qui le tire, voire le préserve de l'isolement propre aux sociétés occidentales. Le fait est que, dans la tradition, l'individu n'est jamais isolé dans l'espace mais toujours relié à un lignage, un clan, un groupe.
(3) S'il avait pu étudier le vaudou, Freud aurait certainement relié l'image qui suit au phénomène de l'hystérie, parfaitement "lisible" sur le visage de cet Haïtien. Précision utile : l'homme que l'on voit ici n'est pas tout seul mais participe très certainement à une cérémonie, durant laquelle des dizaines de comparses, comme lui, sont sujets à toutes formes de transes, dans une sorte d'hallucination collective. Ce comportement n'a, en soi, rien de pathologique, même s'il peut arriver que des personnes, soumises ainsi à un certain état d'exaltation, ne contrôlent pas toujours leurs gestes et soient même susceptibles de se laisser manipuler par quelque gourou malfaisant ! Cela dit, vous connaissez peut-être le cas du "bon" docteur G. T., fameux sexologue français condamné à de la prison ferme pour abus sexuels répétés sur des patientes en état d'hypnose !
Source : MSN