C'est un reportage à la télévision, un an (nous sommes donc en 2004) après la canicule meurtrière de l'été 2003. Deux destins m'ont tout particulièrement interpellé dans ce reportage diffusé sur France 3.
D'abord, c'est le portrait d'un homme encore jeune (la trentaine) au moment de la photo. Cet homme, je le reconnais immédiatement, à cause de la photo. Je l'ai vue chez lui, dans un immeuble incroyable de l'avenue Foch, à Paris. Je me souviens d'un immense couloir de près de trente mètres, puis, au moment de toucher sur le bouton de l'entrée, une voix qui vous demande les raisons de votre visite. Vous levez la tête et apercevez l'oeilleton de la caméra. La porte s'ouvre et voilà un autre couloir d'une vingtaine de mètres. Un immense hall, comme dans certains films américains, et une silhouette minuscule dans cette immensité : le concierge, assis devant une forêt d'écrans. Bien évidemment, rien que de la très belle moquette au sol, épaisse et bien moelleuse. Ascenseur, re-moquette moelleuse.
L'homme s'appelait August von B. Il descendait paraît-il d'une famille princière de l'ancienne noblesse germano-hongroise. Mais les mauvaises langues prétendent qu'il avait pas mal trafiqué son C.V. À l'époque, j'ai créé une petite officine de bureautique et de traduction, et je recherche des clients. M. von B. souhaite m'engager pour lui servir de secrétaire particulier. L'endroit est vraiment impressionnant. J'y reviendrai durant trois mois, deux fois par semaine. L'homme marche de long en large au milieu de montagnes de papier, tout en me dictant divers documents que je saisis sur mon ordinateur portable. Nous allons finir par nous perdre de vue, lorsqu'il m'est apparu que M. von B. tentait de me faire travailler pour des clopinettes. L'homme m'a harcelé, des mois durant, en déposant des paquets de messages sur mon répondeur.
Été 2004 : il y a donc cette émission sur France 3. Je reconnais immédiatement ce cher "escroc" : le portrait en noir et blanc, réalisé vers ses trente ans, je l'avais vu sur un mur de son bureau. Et c'est là que je réalise que s'il est là, dans cette émission-là, ça voulait dire que...
Les pompiers l'avaient découvert, pas mal de jours après son décès, on imagine dans quel état. Il avait succombé des suites de la canicule. Je découvre à l'occasion qu'il avait déménagé entre temps, abandonnant l'avenue Foch pour l'avenue Mozart (Paris 16ème). Toujours les beaux quartiers ! Pas de famille ; pire : il avait bien eu des enfants, mais s'était brouillé avec à peu près tout le monde, nous est-il rappelé dans le reportage, lequel rappelle aussi que pas mal de gens ont succombé à cette fameuse canicule au beau milieu de Paris, soit bien plus que dans la banlieue.
Précisément : suit un autre reportage particulièrement saisissant, celui d'une vieille dame, fort riche, propriétaire d'un très grand appartement dans le quinzième arrondissement de Paris. On l'a retrouvée morte, dans son salon, à côté de son grand réfrigérateur largement ouvert. Les traces sur le sol étaient fort explicites : pour combattre la chaleur, la vieille dame est allée récupérer le réfrigérateur dans la cuisine, pour le traîner jusqu'au salon, en l'ouvrant pour s'en servir comme d'un climatiseur. Tragique !
Précisément : suit un autre reportage particulièrement saisissant, celui d'une vieille dame, fort riche, propriétaire d'un très grand appartement dans le quinzième arrondissement de Paris. On l'a retrouvée morte, dans son salon, à côté de son grand réfrigérateur largement ouvert. Les traces sur le sol étaient fort explicites : pour combattre la chaleur, la vieille dame est allée récupérer le réfrigérateur dans la cuisine, pour le traîner jusqu'au salon, en l'ouvrant pour s'en servir comme d'un climatiseur. Tragique !
Voilà qui est venu rappeler que, cet été-là, il y a eu plus de victimes de la canicule dans les beaux quartiers de Paris, que dans les cités ouvrières de la banlieue, avec leur fort contingent d'immigrés.
Précisément, la canicule de l'été 2003 a fait très peu de victimes d'origine africaine, par exemple. La raison ? La smala : la tribu !
Il n'a échappé à personne que les Africains, par exemple, où qu'ils aillent, aiment vivre en tribus ou presque. Ça dérange pas mal de monde, moi le premier, souvent ! Ça vous donne des myriades d'enfants et d'adolescents envahissant les parties communes des cités HLM, ce qui peut paraître désagréable à certains, surtout quand ces mêmes jeunes chapardent ici, dégradent là, bousculent, insultent, se bagarrent... Mais cette présence massive de jeunes a une autre conséquence : des personnes âgées africaines, vivant seules voire mourant dans la solitude d'un grand appartement des beaux quartiers de Paris ou d'ailleurs, ça n'existe pas !
Une vieille dame africaine, suffisamment riche pour posséder un grand appartement, à Paris, aurait été entourée de plusieurs enfants, d'une tripotée de petits-enfants... En tout cas, elle ne serait jamais morte seule, abandonnée de tous !
En regardant ce reportage, sur France 3, je me suis demandé pourquoi cette pauvre vieille n'avait-elle pas recruté deux ou trois co-locataires, par exemple des étudiantes, pour lui tenir compagnie, quand on voit le nombre d'étudiants qui galèrent pour se loger ? C'est quand même dingue : par égoïsme sans doute, cette pauvre femme avait préféré mourir dans sa solitude plutôt que de partager un peu de son confort avec des personnes qui auraient pu lui porter secours. Le fait est que cette pratique existe !
Vous voulez que je vous dise ? La solitude, c'est un peu comme le suicide : ce n'est jamais une fatalité ; les Africains ont pas mal de défauts, mais il leur arrive aussi d'avoir quelques qualités, comme le fait de ne jamais abandonner leurs vieux dans la solitude. Si seulement les jeunes Européens pouvaient adopter la même attitude avec leurs anciens !
Le fait est que j'ai été longtemps professeur particulier, ce qui m'a fait entrer partout et m'a permis de croiser bien des personnes âgées ici ou là. Et ce qui est vrai c'est que le grand âge anéantit les différences sociales ; je veux dire par là que lorsqu'on est vieux, solitaire et malade, les millions accumulés à la banque ne vous sont d'aucune utilité, et qu'il vaut mieux, à la fin de ses jours, être pauvre mais entouré de l'amour de ses enfants et petits-enfants, que plein(e) aux as et reclus(e) comme un(e) ermite, condamné(e) à sursauter à chaque fois que quelqu'un sonne à la porte !
Je vous avais dit que mon plus "vieil" ami était né en 1912 ? Il vit seul, non loin de l'hôpital Cochin, ce qui est pratique : en cas de malheur, les secours seront là en moins de cinq minutes. Oui, mais prévenus par qui ?
Et à chaque fois que je lui téléphone, j'ai toujours la boule au ventre, à l'idée qu'une voix inconnue viendrait m'annoncer une mauvaise nouvelle.
Un jour, je passe le voir, et insiste durant cinq minutes sur la sonnette. Pas de réponse. Je l'avais prévenu de mon passage ; il était donc là. Je descends voir le gardien et, ensemble, nous montons à l'étage. Re-sonnette... Il a fini par venir ouvrir. Il commençait à perdre de l'acuité auditive.
La grande misère affective des personnes âgées dans les pays développés... Vaste programme !
P.S.: Prophylaxie de la vieillesse
Encore un reportage télévisé dans le cadre du journal de 13 h sur France 2. Cette semaine-là (1er novembre 2010), le feuilleton était consacré à un couvent de religieuses. Et c'est là qu'on découvre l'ancienne mère supérieure, clouée dans son lit, incapable qu'elle est désormais de prendre l'escalier. J'avoue avoir eu un haut-le-coeur en voyant cette vieille femme (dans les 95 ans) alitée. Et j'ai pensé : quelle erreur !
Ne jamais rester cloué(e) dans son lit ! Parce qu'il y a toujours un commencement à l'impotence. En l'absence d'une attaque (cérébrale), d'un accident osseux ou articulaire grave, rien ne justifie qu'une personne, même âgée, ne puisse plus sortir de son lit, car, sinon, c'est la porte ouverte à une déchéance rapide et irréversible.
Pour sa part, mon vieil ami de 98 ans faisait encore du vélo jusqu'à il y a peu, arrêté uniquement par les dangers de la circulation dans Paris. Par ailleurs, sur la porte de sa cuisine, il a fait installer une barre d'exercices sur laquelle il se suspend plusieurs fois par jour.
Car, pour éviter de plonger dans la décrépitude, il n'y a qu'un antidote : le mouvement !